(BiotechFinances n°993 lundi 4 juillet 2022) La thérapie potentielle favorisant la régénération de la myéline endommagée issue du Laboratoire strasbourgeois de « Biopathologie de la Myéline, Neuroprotection et Stratégies thérapeutiques » va-t-elle changer la donne pour les patients atteints de Sclérose en Plaque ? La société canadienne Find Therapeutics qui en a acquis récemment la licence exclusive mondiale y croit.
« La SEP est une maladie neuro-inflammatoire auto-immune qui conduit à la destruction partielle du système nerveux » rappelle Dominique Bagnard, Directeur de l’équipe Inserm U1119 à l’origine de la découverte. Avec son équipe, il s’est intéressé à la manière d’antagoniser les facteurs inhibiteurs qui contrôlent la démyélinisation et la remyélinisation. Sa stratégie repose sur l’existence d’un système naturel de réparation mis en œuvre lors des attaques du système immunitaire. Si ce dernier n’est pas parfait, il semble judicieux de le “booster” car il pourrait renverser la perte irrémédiable de myéline et de neurones.
Leitmotiv : réparer !
« Des progrès considérables ont été réalisés avec des médicaments qui ont le mérite de traiter les symptômes et de limiter l’inflammation et ses dégâts » reconnaît Dominique Bagnard.
« Cependant, aucun n’est réellement capable de réparer la gaine de myéline, ce qui représente le défi que nous sommes peut-être en passe de relever. » La piste choisie par le laboratoire est donc d’agir sur les signaux moléculaires accumulés dans les lésions qui inhibent la réparation. La thérapie envisagée consiste à utiliser un composé inhibant ces molécules inhibitrices. Le double gain essentiel serait alors de redonner davantage d’efficacité (quant à la rapidité de la transmission du message nerveux) et de neuroprotection en préservant la gaine de myéline. Face à la complexité du cocktail, lié à l’écosystème des cellules en interaction dans le système nerveux (neurones, astrocytes et oligodendrocytes “producteurs” de myéline), l’idée est donc de restaurer une certaine homéostasie “naturelle” grâce à la révélation des mécanismes de réparation spontanée. « L’équilibre est subtil car on est sur le fil du rasoir. Il s’agit d’identifier le bon facteur pour obtenir la réparation tant souhaitée sans pour autant être trop agressif pour éviter au mieux des effets secondaires » observe le Dominique Bagnard, précisant que les signaux inhibiteurs sont de mieux en mieux connus.
Des résultats pré-cliniques encourageants
Des essais ont été conduits sur des modèles précliniques validés pour la SEP (présentant des symptômes de perte d’autonomie, par poussées ou de forme progressive) avec cette nouvelle génération de composés. Leurs mécanismes d’action, complètement différents de ceux jusqu’alors utilisés pour lutter contre l’inflammation, s’avèrent convaincants. À ce niveau de développement, les effets sont bénéfiques tant pour la récupération de la locomotion que le contenu en myéline. Un réel espoir alors que 3 millions de personnes vivent avec la SEP dans le monde, dont 1 million en Amérique du Nord et 100 000 en France. Et une opportunité potentielle majeure pour Find Therapeutics qui se trouve face à un marché qui pourrait atteindre 28 Mds$ en 2028.
Nathaly Mermet
Journaliste Pôle Sciences BiotechFinances
Medday un souvenir malheureux
Pendant plusieurs années la biotech française Medday a porté longtemps haut les couleurs françaises de la lutte contre la sclérose en plaque dans sa forme progressive. Cette biotech aujourd’hui liquidée a reçu au cours de son existence près de 50 M$ de financement Son produit phare MD1003 nourrissait tous les espoirs des patients mais il n’a pas passé le cap de la phase 3 (642 participants) dont les résultats ont été présentés fin 2019. Ce candidat médicament à base de biotine (vitamine B8), une co-enzyme qui joue un rôle clef dans la synthèse de l’ATP, le carburant des neurones, était censé agir en dopant l’apport énergétique vers les neurones, compensant ainsi les pertes dues à la démyélinisation des axones, principal symptôme de la maladie. La biotine devait aussi jouer positivement pour la remyélinisation. Le critère de jugement principal de l’étude de phase 3 a montré que 39 (12 %) des 326 patients du groupe MD1003 contre 29 (9 %) des 316 patients du groupe placebo se sont améliorés au mois 12, avec confirmation au mois 15. Des événements indésirables liés au traitement sont survenus chez 277 (84 %) des 331 participants du groupe MD1003 et chez 264 (85 %) des 311 participants du groupe placebo. 87 (26 %) des 331 participants du groupe MD1003 et 82 (26 %) des 311 participants du groupe placebo ont présenté au moins un événement indésirable grave lié au traitement. Une personne est décédée dans le groupe MD1003 et il n’y a eu aucun décès dans le groupe placebo. Au final, MD1003 n’a pas pu être recommandé pour le traitement de la sclérose en plaque progressive.
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